Michel Sitbon : « Le gouvernement offre le cannabidiol au marché noir »

Jan 2, 2022 | Actualité juridique | 0 commentaires

À l’aube de l’élection présidentielle, le sujet de la régulation des produits à base de CBD, comme celle du cannabis en général, seront des déterminants politiques à prendre en compte. Michel Sitbon est éditeur, activiste et entrepreneur depuis plusieurs dizaines d’années. Il a publié en trente ans la majorité des ouvrages portant sur la régulation du cannabis et les nouvelles politiques des drogues. Interview

Le nouveau décret sur le CBD a été publié hier. Quelle analyse peut-on produire sur la position du gouvernement ?

Michel Sitbon – En poussant l’hystérie prohibitionniste jusqu’à persécuter ce qui n’est pas un stupéfiant – ainsi qu’en attestent l’OMS et l’ensemble des réglementations internationales –, le gouvernement affiche un positionnement réactionnaire peu raisonnable dans ce qui semble une compétition pour le pire, laissant orpheline une large part de l’électorat.

Il menace de disparition non seulement des milliers d’emplois mais des commerces qui participent à revitaliser villes et campagnes. On porte un mauvais coup à l’économie ! La période est pourtant si délicate. Les commerces ferment plus facilement qu’ils n’ouvrent. Je m’inquiète particulièrement pour l’emploi des jeunes pour qui ces boutiques offrent un débouché inespéré dans un climat morose.

Quelle conséquence peut-on craindre sur l’état du marché noir ?

MS – Le texte signé par le ministre de la Santé et voulu par le ministre de l’Intérieur est simplement absurde. Les fleurs de CBD offrant un parfait substitut non stupéfiant au cannabis visé par la politique antidrogues comme par la loi.

Elles éloignent les consommateurs du marché noir et produisent une diminution remarquable de la consommation de psychotropes. Nous n’avions jamais obtenu de tels résultats avec la répression déployée. Pire, les lois actuelles ont eu l’effet inverse, stimulant de fait la consommation qu’elles voulaient réduire.

De plus, l’effet apaisant des fleurs de CBD, souvent consommées en tisanes, les auront rendues populaires auprès de publics extrêmement divers, de tous âges et de toutes catégories sociales, qui se voient ainsi brutalement privés de ce qu’ils apprécient si massivement que cela aura permis l’éclosion de tant de commerces en si peu de temps.

La première conséquence manifeste d’une telle mesure sera le report d’une bonne part de ces consommateurs vers le marché noir, et on peut regretter que le gouvernement ne trouve rien de mieux à faire que d’offrir, pour la nouvelle année, une nouvelle manne au crime organisé.

Au niveau européen, la France peut-elle imaginer devenir un leader sur le CBD comme le gouvernement le prétend ?

MS – Au-delà des boutiques et des consommateurs de fleurs de CBD, c’est bien sûr l’ensemble de la filière chanvre qui va être impactée, laissant le bénéfice du nouvel « or vert » aux pays qui adoptent des règlementations plus appropriées, comme l’Italie, la Suisse ou la Tchéquie.

Notons qu’en plus d’interdire le commerce de fleurs, ce texte pénalise au passage la filière agricole, non seulement privée de débouchés, mais corsetée par une réglementation qui interdit toute nouvelle exploitation agricole, seules celles déjà existantes étant autorisées à fonctionner dans un régime de déclaration extrêmement strict – alors qu’en Italie voisine il y a liberté totale de cultiver comme de commercialiser les mêmes fleurs de CBD ici persécutées.

Quel message L630 peut-il porter au niveau politique ?

MS – D’abord, nous avons besoin d’une prise de conscience générale du monde politique. Sur la question du cannabidiol en particulier mais sur la politique des addictions plus généralement !

Nous alertons les législateurs et les invitons à exprimer leur désapprobation d’une politique si contraire aux intérêts du pays. Les partis politiques et les candidats à l’élection présidentielle doivent aussi prendre position.

Surtout, sans attendre, dès la semaine prochaine, le Conseil constitutionnel peut mettre un terme au débat en sanctionnant des mesures discriminatoires dépourvues de fondement. À son tour, la justice administrative sera appelée à se prononcer, afin d’invalider un texte dont l’application serait une catastrophe sociale à plusieurs dimensions qu’il faut empêcher.

En savoir plus

Communiqué de presse : Décret sur le CBD : « Le gouvernement s’obstine. Nous contesterons ! »

Libération – CBD : la vente et la détention de fleurs de chanvre désormais interdites en France

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